Stage ou 1er emploi dans le graphisme ? Quelques conseils

Vous êtes nombreux à chercher un stage ou un 1er emploi dans le graphisme, parfois à l’étranger et notamment au Japon.

Lorsque je travaillais en agence à Hiroshima, j’ai eu parfois l’occasion de superviser des stagiaires ou de jeunes recrues. Une tâche pas facile et qui peut occuper bien plus qu’on ne le pense.
Du fait sans doute que notre site n’avait qu’une version anglaise, les demandes de stage et les candidatures à des postes de graphiste venaient à 100% de l’étranger. Elles m’étaient donc systématiquement adressées.

Ça a été quelques fois de belles rencontres et des débuts d’amitiés. Mais même sans cela, j’aurais été prête sans hésiter à embaucher certains de ces stagiaires si j’en avais eu le pouvoir.

Dans ce billet, je vais essayer de vous expliquer ce qui a nous a séduit chez certains et moins chez d’autres.

 

réunion graphisme avec des clients japonais et stagiaire
Rendez-vous avec des clients et une stagiaire

1/ La candidature à un stage ou un emploi

Je risque de répéter ce qui se dit partout mais je vais insister sur les points qui m’ont le plus marquée personnellement, puisque je me trouvais alors pour une fois côté recruteur.

Les bases

  • Soignez le ton et faites un maximum d’efforts pour l’orthographe (même si ce n’est pas le critère principal). Ni trop obséquieux ou impersonnel, ni trop relâché non plus.
    On reçoit des tonnes de mails donc quand le ton et le contenu laissent deviner une personnalité sympathique et intéressante chez le candidat, forcément, on s’attarde un peu plus sur sa demande.
    En revanche, lorsque le texte est truffé de fautes ou trop mal tourné et pénible à lire, on abandonne vite, comprenant que l’on a affaire à une personne ni appliquée ni très exigeante avec elle-même et qu’elle ne le sera probablement guère plus avec le travail. (On peut faire des fautes sur les réseaux sociaux ou quand on envoie des messages à des potes, c’est de l’instantané. Mais quand on cherche un stage ou un emploi, on a le temps de se relire. Et il existe plein d’outils (sites ou plugins) pour vérifier son orthographe ou sa grammaire aujourd’hui. Scribens ou Grammalecte par exemple.)
  • Envoyez directement un lien vers vos travaux ! Les mails se finissant par “si vous êtes intéressés je vous montrerai mon travail” on zappe directement, on se remet on boulot et on oublie. Des projets réalisés dans le cadre des études, des projets fictifs ou personnels suffisent. On a simplement besoin de savoir de quoi vous êtes capable, de se faire une idée de vos goûts et de votre style à ce stade. On est bien conscient que ça peut évoluer, mais ça nous donne une indication et nous permet de vous choisir vous plus qu’un autre candidat.
    C’est bien plus important à mes yeux que des diplômes.

Renseignez vous sur l’entreprise que vous contactez

Je peux comprendre qu’on fasse un copier-coller des grandes lignes pour ses candidatures, je suis passée par là moi aussi. Mais vérifiez un peu le portfolio et les activités de l’entreprise que vous contactez ! Si vous cherchez un poste dans le web ou l’animation alors que l’on ne fait que du print, on n’aura pas les moyens de vous former. Ça paraît évident.

 

agence de graphisme au Japon

 

2/  Une fois sur place, les attitudes à éviter

Refuser les conseils

Vous êtes là pour ça. On prend sur notre temps de travail pour s’occuper de vous du mieux qu’on peut. Mais si vous pensez déjà tout savoir et être opérationnel alors ne faites pas de stage.
J’ai un jour remarqué qu’une de nos stagiaires dessinait les routes d’une carte en alignant de petits rectangles dans Illustrator… Lorsque je lui ai expliqué qu’elle pouvait tracer des lignes, elle a pris mon conseil de haut, et m’a affirmé s’en sortir très bien comme ça…

Être hostile aux critiques à l’égard de son travail

Un jeune employé (une grosse erreur de recrutement vite regrettée par le patron), prenait systématiquement un air agacé et boudeur dès qu’on lui demandait la moindre modification. Il prétextait aussi parfois que nos demandes n’étaient techniquement pas réalisables. Ou pire, allait jusqu’à saboter son propre travail en exécutant les modifications de manière extrême et radicale en signe de mécontentement.

Décider soi-même qu’on a terminé sa tâche sans avoir fait contrôler son travail

Lorsqu’on assignait une tâche à ce même jeune employé, celui-ci se contentait une ou deux heures plus tard, de nous envoyer une pièce jointe (de 150M parfois !) estimant son travail fini. Genre “ayé ! fini !”. Il ne nous soumettait qu’une proposition, sans jamais ne nous avoir consulté au préalable. C’était exaspérant. Pas la peine de déranger quelqu’un à chaque mouvement de souris, mais quand vous pensez être arrivé à quelque chose de présentable, ou si vous avez des doutes, montrez votre travail à l’un de vos supérieurs !

Mal écouter les consignes

Vous allez finir par croire que j’ai inventé ce personnage tellement il les accumule, mais ce ne sont pas des blagues ! Pendant les réunions, ce fameux novice se balançait sur sa chaise tout en faisant cliquer bruyamment son stylo et bien sûr sans prendre la moindre note ! Évidemment, il nous assurait qu’il n’en avait pas besoin… Et, évidemment, lorsqu’il nous rendait son travail, on s’apercevait qu’il n’avait pas entendu, retenu ni compris la moitié des consignes (données en japonais, qui n’était pas sa langue natale). Juste… ne faites pas ça… sérieusement.

Se prendre pour un artiste (accompli)

Je suppose que des milliers d’articles ont été publiés à ce sujet mais le travail de graphiste, notamment en entreprise, et l’activité d’artiste (peintre, digital, photographe, peu importe) sont très différents. Si chacun utilise ses sensibilités et compétences artistiques, l’artiste est libre d’exprimer ce qu’il souhaite et d’adresser son message à qui lui chante sans aucune limite de moyens, de budget, de temps autre que celles qu’il s’est imposées.

Le graphiste, quant à lui, est là pour interpréter et exprimer le message d’un client adressé à un public choisi par celui-ci en vue d’un objectif défini. Il est soumis à des contraintes.

Pensez à la différence entre un concepteur-rédacteur et un romancier, si vous n’avez pas encore bien saisi la nuance.

Si vous n’êtes pas d’accord avec ce principe, ou si vous jugez que ce rôle n’est pas suffisamment “noble” pour vous, et j’ai malheureusement eu affaire à ce genre de cas, oubliez le travail de graphiste. Sérieusement.

Je ne dis pas que vous ne pourrez jamais réaliser des créations qui vous plaisent, ni mettre de votre personnalité dans votre travail. Mais il vous faudra d’abord avoir fait vos preuves et être reconnu avant que l’on fasse appel à vous uniquement pour ce style et cette patte que vous avez développés.

Se montrer impatient

On fait notre maximum pour vous tenir occupés, mais notre disponibilité n’est pas illimitée. On ne peut pas toujours vérifier votre travail dans l’immédiat. Soyez compréhensifs. A moins que nous ne soyons des roublards qui cherchent un employé gratuit, nous sommes déjà occupés par notre propre travail, alors soyez patients. Profitez de ce temps libre et sans trop de contraintes pour vous auto-former. Vous pouvez peaufiner votre portfolio, consulter les livres dans la bibliothèque, suivre des tutoriels sur YouTube, etc.

 

bibliothèque livres de graphisme japon

 

Critiquer les autres employés ou le patron, se plaindre en permanence

Ça peut paraître étonnant que j’aie besoin de le préciser mais c’est arrivé. C’était une jeune personne qui avait pourtant eu la chance de pouvoir faire son stage au Japon grâce à l’accord et aux démarches entreprises par mon patron. Malgré tout, à peine débarquée, elle traitait déjà celui-ci de vieux con raciste (jugement rapide et infondé) devant mes yeux. Je n’en revenais pas.

Critiquer en permanence la culture locale et ne faire aucun compromis lorsque vous êtes à l’étranger

C’est arrivé aussi et je trouve cette attitude ingrate et immature. Je comprends que tout ne peut pas plaire dans la culture, la société et la vie d’entreprise à la japonaise, mais on fait au moins un petit effort pour essayer de s’adapter le temps qu’on y est. On évite aussi de critiquer à voix haute même si c’est en anglais et qu’on pense que les autres ne comprendront pas. Enfin, on évite d’imposer ses propres règles en les prenant pour universelles et supérieures ou en supposant qu’elles vont de soi.

A part deux personnes je crois, tous nos stagiaires à l’époque ont été ravis de leur expérience. C’était en plus une entreprise extrêmement cool et relax pour le Japon et même comparée à la plupart des entreprises françaises dans lesquelles j’ai pu travailler.

 

écran mac graphisme

 

3/ Vouloir tout faire trop rapidement

Certains des stagiaires ou jeunes employés à qui j’assignais des tâches revenaient à peine 30 minutes après avec 40 propositions. Des propositions sans aucun sens, ne reposant sur aucune réflexion, et réalisées sans le moindre effort de recherche esthétique. Mais ils m’apportaient leur travail, trépignant pour que je le valide instantanément, rageant d’avance que ça ne parte pas illico à l’imprimerie, alors qu’ils s’attendaient déjà à les partager sur les réseaux sociaux ou à les publier dans leur portfolio.

Certes, la rapidité peut parfois être une qualité. Cependant, ce n’est clairement pas celle qu’on recherche en premier chez un stagiaire ou un débutant. En tous cas pas dans une agence sérieuse.

C’est sans doute mon message le plus important dans ce billet : PRENEZ VOTRE TEMPS. C’est quelque chose que je ne savais pas faire moi-même au début. Ça s’apprend. Et la rapidité d’exécution viendra toute seule ensuite avec l’expérience et le temps une fois que vous saurez juger vos propres compositions.

Bien lire le brief ou le cahier des charges. Prendre le temps de réfléchir. Faire des recherches et un brainstorming. Rassembler des sources d’inspiration. Faire des essais, des tas de versions avec de subtiles variations : composition, police, hiérarchisation des infos, taille des éléments, espacement, équilibre, couleurs. Chercher de nouvelles idées. Réduire le choix de propositions à présenter aux plus pertinentes. Apprendre comment expliquer ses choix graphiques à ses supérieurs ou au client final. Les présenter de manière claire et soignée.

 

Vous vous emmerdez parce qu’on ne s’occupe pas assez de vous en tant que stagiaire ou jeune employé ? PROFITEZ DE CE TEMPS !

Quand je travaille sur un projet, même une fois que je me pense satisfaite du résultat, j’ai toujours besoin de faire d’autres essais et d’attendre le lendemain pour revoir mon travail d’un nouvel œil. Souvent, je découvre alors de gros défauts que je n’avais pas remarqué dans une maquette qui me semblait pourtant aboutie la veille.

4/  Ce qui nous plaît en tant que recruteur ou chargé de stage

Déjà, ça va de soi, tout le contraire de ce que je viens de décrire.

Qu’on vienne nous voir une fois le travail fini

Ça va peut-être vous paraître élémentaire mais ce n’est pas forcément le cas pour certains stagiaires. Peut-être la peur de déranger ? En tous cas, quand vous pensez avoir fini votre travail, venez nous le dire ! Même si on n’est pas disponible dans l’immédiat. On n’est pas au-dessus de votre épaule en permanence. On travaille sur autre chose et on ne sait pas toujours où vous en êtes.

Les personnes pro-actives et indépendantes

Les stagiaires qui prennent des initiatives, et ne se contentent pas de faire vite fait ce qu’on leur a demandé. Celles qui nous surprennent un peu en nous montrant le travail qu’elles ont réalisé. Celles qui s’impliquent dans la tâche demandée au départ. Les personnes agréables et qui y mettent du leur.

Ceux qui savent écouter les conseils et accepter les critiques

A l’inverse des stagiaires ou employés qui prennent une attitude rebelle d’adolescent vexé et contrarié, certains sont à l’écoute. Certains sont même friands de retours leur permettant d’améliorer leur travail. Ça ne nous empêche pas d’écouter leurs arguments et d’apprécier qu’ils défendent leur travail.

Conclusion

Souvent obligatoire, le stage peut s’avérer être une vraie arnaque. Choisissez votre entreprise avec discernement et suivez pigeongratuit qui poste sur Twitter de nombreuses infos qui vous permettront d’éviter certains pièges. Un stage peut être une occasion d’apprendre, d’expérimenter, de participer à des projets intéressants à ajouter à votre portfolio, mais aussi de taper dans l’œil des recruteurs, alors ne le prenez pas à la légère !

Et puisque je suis moi-même au Japon : si vous pensez que votre stage peut avoir de l’importance dans votre carrière ou votre évolution, ne choisissez pas nécessairement ce pays pour effectuer votre stage. Ça sera certes peut-être agréable de pouvoir venir passer un moment ici, mais la pratique du stage comme on la conçoit en Europe ou en occident n’est pas encore très développée sur l’archipel. Je ne suis donc pas certaine que vous en retiriez grand chose. Il faut savoir en outre que vous devrez certainement débourser une somme d’argent assez conséquente (en logement, transport et vie quotidienne) sans forcément être rémunéré, et que les barrières linguistiques et culturelles peuvent vite s’avérer difficiles à surmonter. Je ne cherche pas à vous décourager, juste à vous mettre en garde.

 


 

N’hésitez pas à me poser des questions, commenter, partager, me corriger, et si vous en avez le temps, à faire un tour sur mon portfolio !

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