La solution clé en main pour devenir graphiste freelance au Japon. Vous êtes très nombreux, et ce depuis des années, à me la demander.
Je reçois plusieurs mails ou messages Instagram chaque semaine me demandant “comment je peux faire pour devenir graphiste freelance au Japon comme toi ?”.
Le problème, c’est que la solution magique, la solution clé-en-main, n’existe pas.
Ça dépend du parcours et de la situation de chacun.
Devenir graphiste freelance au Japon, un projet souvent peu réaliste
Pour y parvenir, je pense qu’il faut être super débrouillard mais aussi prêt à faire des recherches soi-même plutôt que d’attendre des réponses des autres.
Sans effort à ce stade, les efforts à fournir plus tard et les challenges sur place seront insurmontables.
Voici le profil type des personnes qui me posent cette question :
- pas d’expérience en tant que graphiste
- encore aucune expérience en tant que freelance
- aucune expérience de vie au Japon, ni même à l’étranger
- débutant en japonais dans les meilleurs cas, parfois aucun projet de ce côté
- peu voire aucune recherche préalable permettant de venir vers moi avec des questions précises
Par contre des fans d’animé et manga depuis la tendre enfance, ça y en a !
Ça part donc assez mal… C’est pour ça que je réponds rarement à ces demandes tellement les projets semblent irréalistes et tant il y a aurait de choses à devoir expliquer.
Mon parcours : du départ au Japon à la vie de freelance sur place
Aucun projet à l’avance
Pour moi ça ne s’est pas fait en un jour. Ce n’était même pas quelque chose de vraiment prévu ni “prémédité”.
Je ne me suis pas dit un jour “Tiens, je vais devenir graphiste freelance au Japon ! Bon, comment je fais ? Par où je commence ? ”.
C’est un enchaînement de hasards, d’opportunités, et de patience aussi.
J’ai décidé de partir en working holiday (ou PVT) au Japon après un séjour de 3 semaines à Hiroshima en 2006. Mais sans projet de m’y installer définitivement.
Mais les bons pré-requis pour le faire
Il se trouve que j’étais déjà graphiste en France depuis plusieurs années.
Ensuite, au moment de choisir de devenir freelance au Japon, je vivais déjà sur place.
J’avais déjà une expérience de 4 ans en tant que freelance.
Mais aussi 2 expériences en entreprise au Japon :
- Une première de 2 ans où des compétences en graphisme étaient nécessaires, même si ce n’était pas mon activité principale (promotion touristique de l’île de Miyajima auprès des touristes étrangers : création du site internet, de brochures, flyers, etc).
- Une 2e de 6 ans dans un studio graphique à Hiroshima : Nininbaori. Donc une connaissance des habitudes dans ce métier au Japon, des attentes des clients japonais, du jargon du graphisme en japonais.
Une bonne préparation
Lorsque je me suis lancée, j’avais aussi presque 12 ans de vie au Japon. J’avais une connaissance de la culture, et déjà surmonté les difficultés du début comme celles liées à l’installation. J’avais aussi un réseau, ce qui m’a bien aidée à me lancer.
Je parlais déjà couramment le japonais, pouvais le lire et l’écrire (j’avais obtenu mon JLPT N2 7 ans auparavant).
Je me suis aussi préparée pendant presqu’un an. J’ai achété des bouquins en japonais pour connaître les démarches. Puis j’ai créé mon site, mes réseaux sociaux, mon identité visuelle, mes cartes de visite. J’ai commencé à faire ma promo.

La question du Visa
Lorsque je me suis lancée en freelance au Japon, j’avais un visa autorisant ce statut : le visa permanent que j’ai obtenu au bout de 11 ans sur place.
C’est un énorme détail qu’oublient souvent les personnes qui me contactent avec un projet d’installation au Japon.
Oui, pour s’installer au Japon il faut un visa. Il en existe différents types selon ce qu’on souhaite faire sur place. Et les critères permettant l’obtention de chacun de ces visas diffèrent.
A ma connaissance, les 2 seuls visas permettant de vivre au Japon en tant qu’entrepreneur individuel sont le Visa Permanent et le Spouse Visa.
Une légende urbaine dit qu’il existerait un visa Self-Employed, mais personnellement je ne connais personne le possédant. Et pour l’obtenir, il faudrait pouvoir présenter des contrats réguliers avec des entreprises locales et un certain niveau de revenus mensuels.
Freelance même dans son propre pays c’est difficile
Être freelance, même dans son propre pays, c’est déjà difficile :
- Tout gérer seul
- Trouver des clients et avoir suffisamment de travail pour pouvoir en vivre
- Faire sa compta et s’occuper des démarches administratives
- Déterminer ses tarifs
- Etablir un process
- Ecrire ses CGV
- Faire des devis et des factures
- Gérer les clients difficiles
- Déclarer ses revenus
- Faire sa promo, gérer ses réseaux sociaux et mettre à jour son site / portfolio
- etc…
Honnêtement, une grande majorité des freelances galèrent.
Alors imaginez faire tout ça mais au Japon !
Trouver des clients tout en étant au Japon
Clients japonais ?
Vous aurez besoin de trouver des clients japonais ayant déjà une bonne raison de vouloir travailler avec un graphiste étranger.
Ce qui veut dire aussi :
- Échanger en japonais en rdv, au téléphone et par mail (en keigo, le japonais poli et business)
- Connaître les coutumes business locales
- Faire des devis, des factures, des présentations en japonais
Clients étrangers ?
Vous pouvez bien sûr décider de travailler avec des clients étrangers. Mais il faudra aussi que vous trouviez des Français OK pour travailler avec un graphiste installé au Japon. Et ils ne sont pas si nombreux que ça. Il leur faut eux aussi une bonne raison de faire ce choix.
Personnellement, j’ai démarré avec des clients japonais locaux et des étrangers vivant au Japon.
Et c’était d’une part grâce à mon réseau à Hiroshima (expérience en entreprise et réseau amis) et de l’autre parce qu’on me connaissait par mon blog et ma longue présence sur les réseaux sociaux en tant que Française au Japon.
Par contre, même si j’avais à une époque une version japonaise sur mon site, on m’y a rarement contactée. Je l’ai finalement supprimée parce que ça prenait trop de temps de la mettre à jour pour peu de résultats.
La maîtrise de l’anglais sera sûrement nécessaire
Il vous faudra aussi maîtriser l’anglais pour trouver des clients ailleurs qu’en France. Personnellement, je ne survivrais pas uniquement avec des clients français.

Et quand bien même, y a des tas de choses que vous allez devoir faire en japonais ici :
- Vous enregistrer en tant qu’entrepreneur individuel auprès des impôts au Japon
- Déclarer vos impôts et l’équivalent japonais de la TVA
- Vous occuper de la sécu et de la retraite
- Recevoir du courrier et remplir des documents en japonais
- Utiliser une application de compta japonaise ou embaucher un expert-comptable japonais
- Vous tenir au courant de vos obligations, etc
→ Voir mon article parlant des démarches administratives lorsqu’on est freelance au Japon
Et les difficultés de l’installation au Japon ?
S’installer à l’étranger, qui plus est au Japon, ça peut être très difficile :
- Barrière de la langue
- Adaptation à une nouvelle culture très différente voire déroutante ou agaçante pour certains
- Démarches (obtenir un visa, le renouveler, trouver un logement, ouvrir un compte en banque, une ligne mobile et internet, s’occuper de sa santé, etc)
- Solitude pour certains
- Mal du pays
Alors imaginez faire tout ça en même temps !
Trouver un logement et un lieu de travail
Une autre difficulté que je n’ai pas encore évoquée : trouver un appartement ET un lieu de travail en tant que freelance au Japon.
Qu’on soit étranger ou japonais, trouver un appartement en tant qu’entrepreneur individuel ce n’est pas facile. Si l’agence immobilière et le propriétaire acceptent de jeter un œil à votre dossier, il faudra ensuite qu’il soit accepté par une société de garantie (que vous devrez payer en plus de votre loyer).
Et de nombreux propriétaires n’autorisent pas le travail à domicile, considéré comme utilisation d’un logement comme local commercial.
Vous devrez donc soit trouver un appartement dont le propriétaire accepte le travail à domicile, soit payer un bureau partagé (coworking space) en plus de votre loyer. Heureusement ces lieux se sont multipliés ces dernières années.

En conclusion, je pense que ce n’est pas à la porté de tout le monde
Loin de moi l’idée de décourager qui que ce soit de tenter sa chance, mais il faut vraiment être super débrouillard, prêt à affronter les difficultés et les défis, être curieux et savoir se renseigner.
A l’heure où j’écris cet article, ça fait plus de 6 ans que je suis freelance ici, et je rencontre encore parfois des difficultés. Tout n’est pas rose, même si je suis super satisfaite et fière de moi.
Mais honnêtement, je n’imagine aucune des personnes m’ayant contactée toutes ces années capable de le faire vu la naïveté des questions, la sous-estimation des difficultés potentielles, et l’absence évidente de recherches avant de me contacter.
Ceci dit, si vous faites partie de ces personnes et avez réussi, je serais ravie de m’être trompée et de découvrir votre histoire ! Alors n’hésitez pas à commenter pour la partager !