Voici un petit bilan à chaud de mes débuts en tant que graphiste freelance.
1/ J’adore mon métier
Aucun doute là-dessus ! Lorsque je suis concentrée sur la création d’un logo ou la recherche d’une belle mise en page pour une brochure, ce qui est le cas entre autres en ce moment, je ne vois pas le temps passer. Je m’éclate. Vraiment.
Je suis pressée de me mettre au boulot le matin. Plus que je ne l’étais de me lever et de “partir” travailler.
(Je bosse dans le graphisme depuis 2002, et j’ai aussi connu des périodes de jobs alimentaires et inintéressants dans mon domaine ou même sans aucun rapport avec celui-ci : en intérim, en usine, etc…)
Bon, ça en effet, ce n’est pas forcément lié au fait d’être freelance, je m’éclatais déjà la plupart du temps en tant que salariée dans ma dernière entreprise, mais ça vaut quand même la peine d’être précisé. Là où je veux en venir c’est qu’à la base je ne vois pas mon boulot comme une corvée. (Même s’il y a inévitablement quelques tâches barbantes par moment).
C’est plus les petits inconvénients du travail en entreprise qui m’ont toujours déplu.
2/ Travailler à la maison, le bonheur
Je l’avais déjà fait pendant 4 ans il y a une dizaine d’années, mais je redécouvre cette joie, d’autant plus maintenant que j’habite dans un appartement bien plus spacieux et confortable qu’à l’époque.
Décider de mon emploi du temps
En grande partie du moins, on reste tout de même soumis à certaines contraintes.
Cependant c’est une joie de façonner mon emploi du temps à ma manière, de ne pas être dépendante des horaires de transport, ni de celles d’une entreprise… (les principales sources de stress des étrangers vivant au Japon en général).
Je souffre parfois d’insomnie, et je peux enfin rattraper mon sommeil quand j’en ai besoin, ou faire une petite sieste couchée* en milieu de journée. (* iI n’était pas interdit de somnoler dans mon entreprise, mais bon, sur une chaise c’est pas terrible.)
Aussi, comme je ne suis généralement pas très fraîche le lundi matin et qu’on a rarement des nouvelles des clients à ce moment-là, ça ne me dérange pas de travailler le samedi après-midi en contre-partie. De même, je peux décider de bosser très tard quelques jours pour me libérer une journée.
Enfin, si mon travail est terminé, ou si je n’ai rien à faire, je n’ai plus besoin de rester des heures devant mon ordinateur pour rien et peux m’occuper autrement.
Le petit café à tout moment
Me faire un petit café, une brève pause sur ma terrasse ou mon canapé, juste ça suffit à rendre ma journée délicieuse.
Travailler dans son doudou
Passer mon temps dans un lieu serein et familier, comme dans un cocon, entourée de mes plantes, des éléments de mon univers, et sans aucune agression extérieure – l’extase.
Choisir ma musique et l’écouter au volume qui me convient, l’éteindre lorsque j’ai envie de calme – oh yeaaah.
Toutes ces choses me permettent de travailler à tête reposée et bien plus efficacement.
Pénarde et dans la tenue qui me convient
M’habiller confortablement, les pieds au chaud dans mes grosses chaussettes moelleuses en hiver, et pouvoir me changer à tout moment en fonction des températures, c’est vraiment le bonheur.
Cependant, je prends garde à ne pas traîner en pyjama ! Ça peut vite arriver et devenir une mauvaise habitude.
Bref, en ce qui me concerne, c’est moins de stress, plus de confort et de bien être !
Je comprends cependant que pour certains la solitude et l’isolement puissent être pesants. Ce n’est vraiment pas mon cas heureusement. J’aime choisir les moments où j’ai envie de compagnie, et je n’en ai pas besoin quand je travaille.
Je pensais louer un bureau dès que j’en aurais les moyens, mais je songe de plus en plus à rester travailler chez moi puisque ça me convient parfaitement. C’était moins le cas lorsque je vivais dans un une pièce, que mon lit se trouvait à 1 m de mon bureau, bureau qui servait aussi de table à manger.
3/ Mais plus de doutes et un autre type de stress lié aux responsabilités
Plus de revenus fixes
Forcément, et ce n’est pas une surprise, je n’ai plus de salaire qui m’attend à chaque fin de mois.
La peur de ne pas signer assez de contrats
Je suis extrêmement occupée ce mois-ci, mais je n’ai encore rien de concrètement prévu pour les mois qui viennent. Et j’ai en plus du reste, mes cotisations retraite et santé (indexées sur mon salaire 2018) à payer chaque mois quoiqu’il se passe.
Répondre au téléphone
Étant désormais seule aux commandes de mon bateau, je dois aussi passer et recevoir des coups de fil. Et je dois avouer que le téléphone est une énorme source d’anxiété pour moi. Particulièrement, avec les personnes que je ne connais pas.
C’est aussi, soyons francs, dans 90% des cas absolument ni nécessaire ni justifié – et quand ça l’est je vous rassure, je n’y suis évidemment pas opposée du tout. Mais c’est donc au final souvent quand même une grosse perte de temps, une contrainte, et un moment pénible entièrement consacré à cette seule tâche, lorsqu’on pourrait se contenter d’échanges de mails résumant tout (et laissant une trace écrite) dès qu’on a une minute, à un moment que l’on a choisi et qui convient à chacun.
Enfin, je le ressens aussi parfois clairement comme une méthode d’intimidation de la part de l’interlocuteur qui sait qu’on n’aura pas le temps de réfléchir posément à ses réponses, d’autant plus si on doit s’exprimer dans une langue qui n’est pas la sienne.
Et il se trouve que d’après mon expérience, ça a souvent été les clients les plus problématiques ou suspects qui ont tenu à ce qu’on fasse des visioconférences, à des heures forcément désagréables pour tout le monde en cas de décalage horaire et en outre difficiles à programmer.
Des décisions à prendre seul
Deviser correctement, ne pas sous-facturer ni sur-facturer.
Avoir parfois affaire à des clients avec lesquels on se demande s’il n’est pas risqué de travailler (clients pénibles ou malhonnêtes, mauvais-payeurs, etc), mais être désormais le seul juge.
Rassurez-vous, il y aussi des clients adorables et je compte bien le leur faire savoir dès que j’en ai l’occasion. Ces gens sont précieux !
Ah ! Vous vous demandez peut-être pourquoi j’ai déjà autant d’exemples de types de relations avec des clients malgré mon statut freelance tout frais ? C’est que je gérais déjà toute la clientèle étrangère et une partie de mes propres dossiers de A à Z dans ma dernière entreprise et que j’ai également déjà été freelance entre 2007 et 2011. Je lis aussi les expériences que partagent les autres graphistes freelances sur les forums et réseaux sociaux. Et on retrouve souvent les mêmes cas typiques.
La gestion du temps
J’ai peur de ne pas pouvoir gérer les différents projets qui tombent un peu tous en même temps.
La compta
J’y reviens dans le point suivant.
4/ Beaucoup moins de temps que prévu passé en production
Lorsqu’on est graphiste freelance, on doit aussi gérer des tas de choses :
Les clients
Répondre à leurs mails et à leurs appels, se rendre à des réunions et rendez-vous (auxquels s’ajoute le temps de trajet).
La gestion des projets
Répondre aux demandes, établir les devis, les plannings, les factures ça prend énormément de temps. Du temps pas forcément facturé.
D’ailleurs, ne vous attendez guère à pouvoir bosser 40h facturées par semaine en freelance ! En plus de toutes ces activités annexes, et même lorsque vous aurez des projets qui s’enchaînent par magie, vous serez souvent bloqués et dans l’incapacité d’avancer parce que dans l’attente de retours client ou d’infos, d’instructions ou de données que celui-ci doit vous fournir. D’autant plus lorsque les intermédiaires sont nombreux.
Vous devez impérativement prendre tout cela en compte lorsque vous fixez votre tarif horaire et ne pas vous contentez de diviser la somme que vous comptez gagner mensuellement par le nombre d’heures que travaille habituellement un salarié en entreprise. (Ce n’est pas le seul critère pour fixer ses tarifs mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui)
La comptabilité
Je n’ai aucune connaissance dans ce domaine. J’ai donc souscrit à freee, une application japonaise, en japonais, censée simplifier le schmilblick. Mais je fais face à d’énormes casse-têtes et me lance fréquemment dans de laborieuses recherches sur internet. C’est extrêmement chronophage.
J’ai hésité à m’en occuper toute seule avec cette appli (pour environ 1900¥/mois soit 15,30€) ou à faire appel à un expert-comptable (税理士) qu’on me proposait pour 8000¥/mois (soit 64€). Le but était d’économiser tout en m’obligeant à mettre les mains dans le cambouis mais les déclarations d’impôts au Japon (確定申告), ça n’a pas l’air d’être de la tarte… Et je dois rendre la première d’ici peu.
La promotion, la prospection
J’ai des projets en cours actuellement, et j’ai la chance d’avoir pu récupérer deux gros clients réguliers de mon ancienne boîte, mais je dois continuer à prospecter et promouvoir mon travail sur différents sites, réseaux sociaux et blogs. Les alimenter et maintenir leur aspect graphique (Behance, LinkedIn, Instagram, Facebook, Twitter, Kob-one…). Je dois aussi m’inscrire ou compléter mes profils sur d’autres…
J’ai également la chance d’être souvent sollicitée par des éditeurs d’ouvrages consacrés au graphisme (5 jusqu’à présent je crois), mais répondre à leurs e-mails, rassembler les données et les informations dont ils ont besoin prend souvent pas mal de temps.
Il faut d’ailleurs aussi que je m’attelle à recontacter tout le réseau (agences de pub, etc) dont je faisais partie en tant qu’employée, et que je me fasse connaître de différentes agences au Japon et à l’étranger. Ha…
Les tâches administratives, la paperasse
Elles sont forcément plus nombreuses pour un auto-entrepreneur que pour un salarié : Impôts, retraite et sécurité sociale, ouverture d’un compte pro dans une banque, etc. Mais une fois les choses en route, je devrais certainement être plus tranquille.
Les imprévus
Oui ça peut être des trucs cons, comme ton scanner qui te dit qu’il peut pas scanner parce que ton ordinateur est déjà occupé (?) …
Ou un contrat à faire signer en ligne par un client dans lequel tous les textes en japonais ont disparus.
Tout le temps passé à résoudre ces problèmes, c’est du temps en moins sur celui que tu avais prévu de passer sur un projet, ou une journée qui s’allonge…
Moins de temps consacré à créer finalement
C’est simple, au moment où j’avais commencé à rédiger cet article, sur mes 2 dernières journées de travail, je n’avais consacré que 7h30 aux projets en cours.
Je calcule ça très précisément, et ça me semble important. Je n’ai pas encore assez de recul, mais je pense que pour un projet estimé à 4 ou 5 jours de travail (soit 32 à 40 heures de travail), il faut au moins prévoir 2 à 3 semaines avant la date de livraison, afin d’inclure les temps de validation par le client et ses demandes de modifications, et pouvoir également être flexible et disponible pour des projets tombant à la même période.
D’ailleurs, si des freelances plus aguerris me lisent et pensent que je dis n’importe quoi, n’hésitez pas à me corriger en commentaire !
5/ Beaucoup moins de temps passé sur internet et les réseaux sociaux
En tant que salariée, en tous cas dans la boîte où je travaillais, j’avais beaucoup (trop) de temps libre. Je devais malgré tout rester assise à mon bureau de 10h à 19h, et j’en passais du coup une grande partie sur Internet ou mon smartphone.
Comme c’est maintenant au contraire la course contre la montre, je ne m’autorise plus ces vagabondages, qui ne sont pourtant pas toujours inutiles, loin de là.
6/ Une plus grosse envie de sortir le week-end
(Je poste une vidéo de soirée en illustration, mais en réalité ce que je préfère c’est les soirées au resto avec des amis.)
J’ai cru que c’était l’âge et la raison qui me donnaient plus envie de rester chez moi les soirs de week-end ces dernières années, mais c’était peut-être juste la fatigue de la vie en entreprise, le fait de passer peu de temps chez moi et celui de déjà voir des gens quotidiennement.
Comme je le disais plus tôt, j’ai déjà été freelance en fait, et à cette époque j’avais du mal à comprendre comment certains pouvaient rester à la maison un vendredi ou un samedi soir. Bon, j’étais plus jeune aussi…
Je suppose que maintenant, c’est justement le fait d’être seule chez moi toute la journée qui me donne un peu plus envie de voir du monde. (Mon copain travaillant dans son restaurant jusqu’à minuit au grand grand minimum, et ne rentrant généralement pas avant 2h, je passe aussi mes soirées seule à la maison).
7/ Besoin d’activité physique
Et oui, mon métier me contraint déjà à rester assise du matin au soir, mais désormais je n’ai même plus de trajet pour me rendre au travail (je faisais 4km à vélo chaque jour jusqu’à présent).
J’ai donc décidé de tenter les 10,000 pas quotidiens recommandés pour me maintenir en forme. Seulement, ces 10,000 pas correspondent grosso modo à 7,25km, c’est-à-dire 1h20 de marche. Je n’ai pas trouvé ce temps tous les jours pour le moment, mais j’essaie d’en faire minimum 5000 quand je suis trop occupée.
Et vous ? En quoi votre vie a-t-elle changé en passant en freelance ? Hésitez-vous à quitter le salariat ou au contraire songez à y retourner ?
N’hésitez pas à me poser des questions, commenter, partager, me corriger, et si vous en avez le temps, à faire un tour sur mon portfolio !